Alcazaba

L’alcazaba de Malaga est l’une des forteresses conservées les plus importantes d’Espagne. Lors de la visite, il faut tenir compte du fait que ce monument comprend deux enceintes de remparts[1] et une entrée fortifiée. Commençons par l’enceinte extérieure, qui conserve encore aujourd’hui des éléments datant de la première époque de construction, notamment la muraille nord, où l’on peut observer des tours rectangulaires à peine saillantes, semblables à celles des forteresses typiques des califats. Les murailles orientale et méridionale sont parsemées de tours carrées saillantes, vides pour certaines, qui datent des réaménagements nasrides.

L’enceinte supérieure conserve des tours ayant les mêmes caractéristiques califales et a été renforcée au XIVe siècle par la Torre del Homenaje (donjon), construite sur une autre tour plus petite du XIe siècle, par celles se trouvant à proximité de la mosquée, la torre de los Arcos et d’autres de moindres importances.

Outre les deux enceintes intérieures, le système défensif était encore plus complexe étant donné que pour accéder à l’alcazaba depuis la ville, avant d’entrer dans l’enceinte inférieure, il fallait passer par les « fortifications d’accès », ainsi dénommées par Torres Balbás, qui correspondent à l’ensemble des murailles et des portes qui constituaient un premier obstacle pour ceux qui cherchaient à entrer par la force dans la forteresse.

Elles ont été réalisées pendant la grande réforme de Badis, le roi Ziri de Grenade, quand il annexa Malaga à son taïfa en 1057.

Au début de la visite, en s’approchant de la forteresse, on est tout d’abord surpris par une grande tour qui part des fortifications et pénètre dans la ville, sur la plaza de la Aduana. Il s’agit d’une tour albarrane[1], c’est-à-dire une tour séparée de la muraille principale mais reliée par un chemin de ronde, qui servait d’éperon défensif et qui permettait de contrôler l’accès à la fortification depuis tous les angles. À l’époque arabe, cette tour albarrane rentrait également dans la ville au bord de la mer. C’est la seule tour de ce type de cette forteresse. Un peu plus de la moitié de cette tour a été restaurée et l’on peut observer dans les angles les grands moellons provenant du théâtre romain. À l’intérieur, il y a trois petits étages construits dans les années quarante.

Après avoir gravi les escaliers, on se retrouve sur une terrasse où trône le buste de Juan Temboury Álvarez, qui a consacré sa vie à la restauration de ce monument.

À droite, sur le pan de muraille sur lequel passe le chemin de ronde de la tour albarrane, on peut observer une fontaine murale en marbre datant du XVIIIe siècle, provenant d’un autre endroit de la ville, et deux blasons en marbre également. Le tout forme un ensemble harmonieux et sobre à cet endroit où les constructions ont disparu en 1940 et qui a été pavé avec des dalles de récupération, parmi lesquelles on distingue de grands gonds et des pierres taillées. Des escaliers en galets nous conduisent au bâtiment d’accueil, avec à gauche le chemin qui conduit au théâtre romain. Ce nouvel espace a été conçu par les architectes Isabel Cámara Guezala et Rafael Martín Delgado et construit dans les années quatre-vingt-dix sur les rares vestiges de maisons des émirats. C’est un bâtiment très léger, séparé d’un côté des murs originaux par un mur en verre qui permet de les observer, et qui abrite une maquette de l’ensemble du monument.

Après avoir visité le bâtiment d’accueil, on ressort dans un espace à ciel ouvert pavé et on accède au monument par la porte originale datant du XVe siècle. La porte a deux battants en bois épais recouverts de lames en fer maintenues par de grands clous de fer. En passant la porte, on découvre un premier arc qui a été reconstruit. On entre alors dans ce que Leopoldo Torres Balbás a défini comme étant les fortifications d’accès et l’on peut observer rapidement ses principales caractéristiques : il s’agit d’un chemin entre des murailles jalonnées de petites tours robustes avec un chemin de ronde et de nombreuses portes défensives. À droite, on aperçoit la Torre del Horno (tour du four), dénommée ainsi en raison de la petite pièce couverte d’une voute en briques qui se trouve à l’intérieur.

Nous nous trouvons dans le premier couloir ascendant où l’on peut observer un autre aspect caractéristique de la construction de toute la forteresse : elle s’adapte à la structure de la colline sans chercher la symétrie ou la régularité et s’accommode à la roche sur laquelle elle repose, et l’on peut observer que de nombreuses tours ont été construites sans aucune fondation.

La face externe de la muraille de droite permet de voir les différentes systèmes de construction utilisés à différentes époques, en premier la roche sur laquelle elle repose, puis la muraille recouverte de maçonnerie irrégulière, soit des pierres de taille moyenne, divers matériaux plus ou moins travaillés sur une face avec quelques briques pour uniformiser le tout, puis au-dessus une couche en pierres sans revêtement où l’on peut observer l’intérieur de la muraille en pisé avec beaucoup de mortier de chaux, puis une nouvelle couche avec un revêtement de maçonnerie régulier, c’est-à-dire avec des rangées de pierres et de briques qui se succèdent, provenant de la restauration moderne. Toute cette muraille est couronnée par des créneaux.

Cette partie et la suivante, de la Puerta de la Bóveda (porte de la voute) à la Puerta de las Columnas (porte des colonnes), sont celles qui ont été le plus modifiées. En continuant la visite, nous passons sous un arc qui donne accès à un petit patio surmonté d’un monolithe dressé par la mairie en hommage à Fernando Guerrero-Strachan, architecte restaurateur de 1937 à 1941. La tour située sur la gauche, dénommée Torre Temboury (tour Temboury), a été reconstruite en grande partie. À droite, on peut observer une grande tour avec une porte en chicane appelée Puerta de la Bóveda Vaída (porte de la voute sur pendentifs), en raison de sa voute en brique. Ce système défensif est un aspect très intéressant de cette forteresse. Dans cette tour datant du XIe siècle, le passage de la porte est surmonté de plusieurs arcs, le premier, rénové au XVIe siècle, en brique et en plein cintre, le suivant qui est un arc structurel permettant de former la voute est un arc outrepassé datant du XVIe siècle, comme celui situé à l’autre extrémité de la section carrée, et qui repose sur des bases en pierre réutilisées. Il y a ensuite un autre arc outrepassé visigothique avec des voussoirs en pierre et en brique du XIe siècle, qui s’ouvre sur un espace vouté au niveau de la sortie de la tour et dont l’extrémité repose sur de grandes colonnes romaines réutilisées.

La visite se poursuit par le chemin entouré de murailles et nous amène à une autre porte et l’on peut distinguer à gauche une bonne partie d’un grand escalier avec de grandes marches en marbre, matériau qui a peut-être été réutilisé à l’Époque moderne et qui a été laissé sur place lors de la restauration.

La Puerta de las Columnas est surmontée de trois arcs au total, celui de l’entrée en brique avec des futs en marbre blanc réutilisés au même titre que les chapiteaux corinthiens, un autre arc intérieur outrepassé reposant sur des pilastres, et l’arc de la sortie d’une grande beauté : sous le linteau de soutènement, cet arc outrepassé orné d’un alfiz alterne les voussoirs en pierre et en brique et forme ainsi une bichromie qui imite les arcs califaux, comme ceux de la mosquée de Cordoue, peints en rouge et blanc. La maçonnerie des murs donne une grande plasticité à l’ensemble. Cette porte est un accès direct et, à droite, on peut monter au chemin de ronde qui mène à la partie supérieure de la tour albarrane.

En partant de l’esplanade, on emprunte la Cuesta del Cristo (la montée du Christ) avec à mi-chemin une tour avec l’embrasure d’une porte d’accès direct qui n’a pas été reconstruite et dont il ne reste que la base adossée à la tour située à droite.

La Torre del Cristo (tour du Christ) a une seconde porte en chicane, construite pendant le règne taïfa et restaurée à l’époque nasride. L’arc outrepassé visigothique de l’entrée orné d’un alfiz est en brique et sa clé est une voute en pierre sur laquelle est sculptée une clé, comme sur la Puerta de la Justicia (la porte de la Justice) de l’Alhambra de Grenade. Au-dessus de l’arc, on peut encore observer deux assises en pierre, restes d’un mâchicoulis défensif. Dans ce cas également, la porte est surmontée d’une voute sur pendentifs formée par une succession d’arcs. Nous découvrons en premier celui de l’entrée formée par un petit espace recouvert d’une voute en berceau pour compenser le dénivelé, puis un arc intérieur, structurel, qui soutient la voute qui couvre le passage et la sortie, tous deux outrepassés, suivi d’un autre espace vouté et de l’arc final à la sortie de la tour. La voute centrale en brique, sur pendentifs, conserve des restes de décoration peinte en ocre. Le nom de « Puerta del Cristo » (porte du Christ) vient d’un retable avec un Christ qui se trouvait à l’intérieur, sur le créneau encore visible aujourd’hui, espace qui a été reconverti en une espèce de chapelle à partir du XVIIe siècle.

La Puerta del Cristo donne accès à l’enceinte inférieure, un grand espace qui entoure complètement l’enceinte supérieure où se trouve le palais.

L’ascension débute par la face sud, avec à droite le chemin de ronde qui traverse la partie intermédiaire de la Torre del Cristo et l’on croise plusieurs tours, toutes restaurées, et sur la gauche on aperçoit un coteau avec quelques jardins à peine aménagés. Depuis le second mirador, le plus élevé, on voit très bien comment était configuré l’espace des défenses basses et même l’intérieur de la Torre de los Abencerrajes (tour des Abencérages) ou del Socorro (du secours), avec la porte d’accès à la courtine.

La courtine monte le long de la colline jusqu’à disparaitre dans le château de Gibralfaro, et l’on distingue très bien la construction en zigzag qui permet de ne pas avoir à construire de tours albarranes. La courtine est en fait composée de deux murs parallèles couronnés par un chemin de ronde. Il s’agit simplement d’un chemin protégé, unique voie de communication entre le palais-forteresse et le château, dont la seule et unique porte, de caractère monumental, était ouverte sur cette courtine qui, en arrivant au château, s’ouvrait sur une barbacane.

Ce mirador offre un panorama magnifique sur les remparts du sud de l’enceinte supérieure, sur les nombreuses petites tours très rapprochées et sur les ruines imposantes de la Torre del Homenaje. Cette tour date de l’époque taïfa et a été construite initialement avec un grand arc en brique sur la façade est, qui était peut-être un accès indépendant de celui donnant accès à la médina qui se trouvait à l’intérieur de l’ancienne alcazaba. Toute la partie basse de cette tour a ensuite été renforcée et épaissie. Les restaurateurs ont préféré respecter les ruines et se limiter à les consolider pour conserver l’aspect romantique et évocateur qu’elles ont encore aujourd’hui.

Les visiteurs se retrouvent face à une grille qui réduit l’accès à la face nord de la forteresse, et après avoir passé un portail, nous découvrons le puits Airón et une partie du système de roue qui servait à sortir l’eau. C’est un grand puits de 40 mètres de profondeur creusé dans la roche de la colline qui mène à une source naturelle et qui fournissait de l’eau à la citadelle.

L’espace ouvert qui entoure toute la forteresse, sans aucun vestige apparent, s’adapte à la forme parallélépipédique irrégulière de la colline, limité par les murailles de l’enceinte supérieure et par celles qui vont jusqu’à la rue Mundo Nuevo et jusqu’à la Torre del Tiro (tour du tir).

La Torre del Tiro, qui n’a pas non plus été reconstruite, est aujourd’hui un grand cube massif. Une muraille partait de cette tour et descendait jusqu’aux remparts qui entouraient la ville.

L’espace intérieur de l’enceinte inférieure se rétrécit, avec sur la face nord, les deux entrées des cachots. Ils sont construits selon la même méthode que les silos, et forment comme un grand entonnoir inversé, ce qui fait qu’il est impossible d’escalader les murs et les deux entrées sont très étroites. Dans cette partie de la colline, ce sont des trous très humides, ce qui fait que les séjours dans ces cachots devaient être vraiment désagréables.

À cet endroit, étroit en comparaison avec le reste de l’enceinte, en regardant à travers la grille qui se trouve à côté de la Puerta de los Cuartos de Granada (porte des quartiers de Grenade), on a un très belle vue sur les petites tours se trouvant sur la façade externe de l’enceinte supérieure. Nous allons à présent reprendre la visite à partir de la Puerta del Cristo et partir dans une autre direction, car il est actuellement nécessaire de faire demi-tour depuis le mirador pour revenir à la Torre del Cristo.

Une fois arrivé à la Puerta del Cristo : on peut observer en face un espace creusé où se trouve un silo ou entrepôt à grain, dont l’ouverture dans le sol s’ouvre sur un réservoir à garum romain.

Une fois passé sous l’arc, on arrive sur une esplanade, aujourd’hui entièrement transformée en un magnifique jardin hispano-arabe, connu sous le nom de Plaza de Armas. La conception du jardin est de l’architecte Fernando Guerrero-Strachan Rosado. Quand la place a été restaurée, on a découvert des restes de deux sépultures chrétiennes qui appartenaient sans doute à la paroisse de San Luis, évêque de Tolosa, le saint du jour où les Rois Catholiques sont entrés dans la ville, le 19 aout.

Quant à la place, le plus significatif est la richesse ornementale des matériaux simples tels que la pierre et la brique combinés à une conception géométrique, la partie centrale en contrebas avec un jardin aux plantations rectangulaires sillonnées de petits canaux qui guident l’eau venant des zones du palais en amont jusqu’à la fontaine centrale du jardin, entourée de quatre massifs de haies basses. Avant d’abandonner la place, nous vous conseillons de regarder par un portillon qui donne sur la partie basse de la muraille, à gauche de la zone ouest, pour avoir une vue panoramique sur les trois niveaux des lignes de fortification d’accès et sur la partie basse jusqu’à la tour albarrane et l’accès de la ville.

Sur la Plaza de Armas, nous découvrons une autre fontaine au point de rencontre de deux escaliers étroits qui compensent le dénivelé entre l’intérieur du patio et la Puerta de los Cuartos de Granada, qui ont été construits au moment de la conception du jardin. Il s’agit d’une fontaine murale avec une vasque en marbre rouge, comme la précédente, qui a été placée à cet endroit lors de la dernière restauration du monument dans les années quatre-vingt-dix.

Depuis la Plaza de Armas, il est très intéressant de voir que l’on peut faire tout le tour de l’alcazaba sans interruption sur le chemin de ronde. Il passe sur les pans de muraille en montée et en descente en traversant les différentes tours, ce qui permet de tout contrôler depuis les zones les plus élevées. Le chemin de ronde traverse la Torre del Cristo en passant à droite des pièces. Le chemin de ronde se rétrécit encore plus au seul point de connexion avec l’enceinte supérieure, au-dessus de l’arc qui couvre la porte moderne, qui donne accès à un petit passage à l’intérieur de l’extrémité de la seule tour par laquelle on entre dans l’enceinte supérieure.

Après avoir gravi l’escalier ou la rampe à droite, une autre petite montée offre une vue magnifique sur la Puerta de los Cuartos de Granada, également connue anciennement sous le nom de Puerta del Tinel (porte du Tinel) ou Puerta de Los Arcos (porte des Arcs). Cette grande tour a presque été entièrement démolie en 1854, mais elle a pu être reconstruite selon une gravure datant de 1839. C’est une porte double d’accès direct, c’est-à-dire qu’il y a un premier passage suivi d’un petit patio fermé et du second passage avec un mur qui bouche le passage et qui oblige à changer de direction, le tout à ciel ouvert. Ce système défensif est très efficace étant donné qu’il permet aux défenseurs, au cas où les attaquants aient franchi le premier passage, de défendre l’accès en jetant différents matériaux du haut, ce qui fait que le petit patio devient une véritable souricière. La restauration de la tour, terminée en 1938, est l’œuvre de l’architecte Fernando Guerrero-Strachan. Des espaces intérieurs ont été créés et ont en principe été utilisés comme salles d’exposition pour les objets en céramique restaurés.

Cette tour puissante protège l’extrémité ouest de l’enceinte supérieure située sur la partie la plus haute de la colline et parfaitement adaptée à sa forme allongée, l’extrémité étant protégée par la Torre del Homenaje, avec entre les deux un espace entièrement fermé par des murailles avec de nombreuses petites tours, où se trouve la zone palatiale et le quartier résidentiel ou quartier militaire. Cette enceinte supérieure est probablement la partie la plus ancienne de la forteresse et celle qui a été la plus restaurée en raison de son ancienneté. Elle a servi de centre administratif, résidentiel et de siège du gouvernement de la ville.

En suivant le chemin, nous nous retrouvons dans un petit patio, avec une autre fontaine et un escalier étroit et pentu qui comble le dénivelé avec la partie supérieure, qui a été conçu par Fernando Guerrero-Strachan comme un jardin en terrasse autour du silo qui se trouve au centre. En raison du silo creusé à cet endroit en raison de la nature du sol, cet endroit a été connu pendant de nombreuses années comme le Patio de la Mazmorra (patio des cachots). Ce jardin sert d’antichambre aux salles du palais.

Une nouvelle fontaine était à l’origine placée un peu au-dessus de la zone du silo. L’idée était de guider l’eau depuis la partie supérieure grâce aux canalisations d’une fontaine vers d’autres canaux en superficie pour créer de la fraicheur et un murmure dans les jardins, des canaux qui serviraient également à compartimenter et à agencer l’espace selon une conception de jardin hispano-musulman, en jouant avec les couleurs des pierres, de la brique et de l’eau, dans un espace agencé de manière géométrique, le tout dans le but d’augmenter la sensation de refuge.

Ce jardin supérieur, comme tout le reste de l’enceinte, est entouré par le chemin de ronde qui offre de magnifiques vues sur la ville, le théâtre romain, une grande partie du centre au nord et, au sud, toute la baie.

Le palais, ou plus exactement, les deux palais dont il reste encore des vestiges, comprend deux bâtiments parfaitement différenciés. On découvre tout d’abord un lieu, au sol recouvert de gravier, appelé le Patio des los Surtidores (patio des jets d’eau) qui était le patio central du palais taïfa formé par deux pavillons situés au nord et au sud de ce patio. Aujourd’hui, il ne reste que le pavillon sud.

Le portique sud du palais taïfa possède une salle à laquelle on accède par le chemin de ronde, à côté de la Torre de Maldonado (tour Maldonado), en passant sous un grand arc qui donne accès à une salle dont le portique donnant sur le patio est surmonté d’une triple arcade outrepassée avec corniche arabe qui rappelle les modèles califaux du salon Rico de la ville-palais de Madinat al-Zahra, avec les entrelacs de voussoirs classiques en rouge et blanc taillés en arabesques, comme l’intrados des arcs. Les colonnes cylindriques, fines et sans base, sont en bois recouvert de plâtre et possèdent un chapiteau typique de Grenade surmonté d’une cimaise en pierre rougeâtre.

Le patio de los Surtidores donne sur un portique nasride qui précède l’accès à l’intérieur de la salle composée de trois arches, celui du centre étant le plus grand. Le portique a été rénové aux XIIIe et XIVe siècles, mais il existait déjà au XIe siècle au vu des colonnes en pierre portées par des bases de colonnes de l’époque califale, qui suggèrent que ce n’est qu’une reconstruction. Le portique est formé par trois arcs festonnés appuyés sur deux colonnes en pierre, l’une d’elles d’origine comme le chapiteau qui la surmonte, quadrangulaire et taillé avec des motifs végétaux de manière très stricte quant à la composition, très semblable à d’autres contemporains de l’Alhambra. Sur les cimaises, on distingue encore des écrits en blanc sur rouge en lettres de l’époque nasride qui correspondent à un verset du Coran qui dit « Il n’y a pas de vainqueur, sinon Dieu ».

Le palais taïfa possède également un autre élément très intéressant : le Pabellón de Arcos Lobulados (le pavillon des arcs lobés) qui se trouve à droite. Ce pavillon est original, décoratif, les arcs ne sont pas structurels et on pense que son but était de renforcer la représentation politique de cette partie du palais et qu’il a peut-être servi aux tâches du gouvernement. On y retrouve encore une fois une imitation de l’art califal somptueux, mais avec des matériaux beaucoup moins luxueux typiques de la période taïfa. Ils datent du XIe siècle (entre 1026 et 1057) et la décoration répond au même objectif dans les deux dynasties : légitimer le pouvoir en imitant le pouvoir du califat de Cordoue.

Après avoir traversé les salles ou être entré par l’accès d’origine du chemin de ronde, on arrive à un patio-terrasse ouvert sur la ville avec la Torre de Maldonado à droite. Cette tour imposante fait partie des éléments défensifs et a été remodelée à l’époque almohade, à laquelle elle a été dotée de magnifiques colonnes en marbre ornées de versets du Coran et de la triple arcade par laquelle on accède, qui lui donne un certain caractère représentatif. Depuis la fenêtre ouest de la tour ou depuis le chemin de ronde lui-même, il est intéressant de jeter un œil à une tour massive que l’on aperçoit et où l’on voit très bien la base et l’intérieur en pierres de taille de l’époque taïfa, ainsi que le revêtement postérieur en maçonnerie datant de l’époque nasride, et la construction réalisée directement sur la roche.

Par le même couloir, qui fait office de portique de la façade sud de la salle du palais taïfa, on accède, à travers un magnifique arc taïfa outrepassé très fermé en voussoirs en pierre, à une autre salle spectaculaire de ce bâtiment : la Sala del siglo XVI (la salle du XVIe siècle) ou de la Armadura Mudéjar (de l’armure mudéjare) qui n’a pas été déplacée depuis son origine. La charpente est de section trapézoïdale, avec quatre jupes surmontées au centre par un plafond à entrelacs, pièce centrale octogonale décorée avec une stalactite de muqarnas et entourée de quatre autres stalactites plus petites, entourées à leur tour de huit étoiles à huit branches. Les quatre jupes sont assemblées à l’aide de pièces appelées « arêtier », composées en l’occurrence de deux poutres formant un épi. La partie inférieure de ce plafond est ornée de deux frises décoratives, celle du dessus avec des triglyphes et celle du dessous avec des formes végétales abstraites, des gouttes et des demi-cercles, les angles étant décorés avec des consoles murales moulées avec des supports dans les angles. Cette pièce a été remodelée par les bâtisseurs mudéjares et l’on estime que les fenêtres ont également été ouvertes à cette époque.

De retour au centre du Patio de los Surtidores, nous accédons au palais de l’époque nasride distribué autour de deux patios. L’accès actuel est le résultat des travaux la restauration et la porte originale devait sans doute être en zigzag.

La zone du palais nasride, n’ayant que très peu de vestiges exploitables, a été recréée selon une perspective historiciste en se basant sur les reconstructions des palais de Grenade, avec des toitures et des couvertures réutilisées dans certains cas provenant d’autres endroits du monument et en recréant les éléments décoratifs à partir des fragments qui apparaissaient, mais sans rigueur quant à l’emplacement. Cette partie a été aménagée autour de deux patios avec des pavillons en regard aux extrémités les plus courtes, nord-sud, avec des porches à trois arcs, mais on n’a pas réussi à savoir s’ils reposaient sur des colonnes ou sur des piliers, quelle était exactement la distribution des alcôves, la hauteur totale des salles et le type de toiture de ces bâtiments. Des portes et des taqas du même type que ceux du palais taïfa furent aménagés.

Le Patio de los Naranjos (patio des orangers) s’articule autour des deux petits bassins dont on a retrouvé des traces, et les pavillons, couverts par des voutes d’arête, ont été peints par Hermenegildo Lanz, et les colonnes recréent celles des palais nasrides de Grenade.

Le deuxième patio, le patio de la Alberca ou de l’Arrayán, est distribué autour d’un grand bassin central dont les eaux font l’effet d’un miroir de l’architecture, bordé des deux côtés les plus longs par une haie de myrte. Une tour de guet se dressait à l’extrémité nord du pavillon selon les restes de tour et le début d’escalier qui ont été découverts. La salle du portique sud est couverte par un toit en bois qui a été apporté du monument lui-même. La façade nord de ce palais est occupée actuellement par plusieurs salles d’exposition. Il est conseillé de visiter le palais nasride lentement et de contempler l’exposition permanente de caractère pédagogique qui a été inaugurée en 2003.

Après la visite du palais, vous pouvez visiter un autre espace dont la porte d’accès se trouve à côté de la grande salle du palais taïfa. Dans cette salle, située au sud du Patio de los Naranjos, qui sert de passage et d’entrée au monument pour les personnes qui utilisent l’ascenseur qui arrive rue Guillén Sotelo, se trouve des panneaux explicatifs avec de nombreuses photographies et des plans, dont l’objectif est de comparer le monument formé par l’alcazaba et le château de Gibralfaro avec les citadelles de la même époque, telles que l’alcazaba de l’Alhambra de Grenade et l’alcazaba d’Alméria.

Exposition

Techniques et utilisations des poteries à Malaga à l’époque musulmane du XIe au XIVe sièclE

[1] L’exposition présentée dans les salles du palais nasride est axée sur la poterie de l’ère musulmane. Elle contient des objets restaurés à partir de restes découverts dans l’alcazaba et d’autres restes qui ont été découverts lors des fouilles réalisées dans la ville. Il s’agit d’une exposition permanente ayant un but éminemment pédagogique et organisée en collaboration avec le Musée archéologique national.

L’Unité 1 occupe la première salle carrée située à côté du portique nord du Patio de los Naranjos (patio des orangers). Son objectif est de mettre en valeur l’importance de la récupération des fragments des poteries lors des fouilles archéologiques et d’expliquer comment ils sont étudiés et restaurés. Ces matériaux, très simples en apparence, apportent beaucoup d’informations sur la vie de leurs propriétaires, sur le commerce, la production, etc., et sont essentiels pour dater les sites archéologiques.

L’Unité 2 est située dans la salle de la voute d’arêtes peinte par Hermenegildo Lanz inspiré par la salle de la barque de l’Alhambra. On peut y observer une grande variété de formes et la diversité des fonctions des poteries exposées. Cette salle abrite quatre vitrines où sont exposés des récipients pour la préparation des aliments, pour la cuisson, pour contenir des liquides et les servir, pour transporter, contenir et consommer des aliments, pour faire chauffer des aliments et pour la chambre, pour s’éclairer, pour jouer, pour l’industrie, etc. Chaque type est représenté par un objet accompagné de panneaux d’explication et d’un dessin.

Au fond de la salle, à côté d’un bel objet original en treillis découvert dans l’alcazaba, se trouvent deux panneaux, l’un avec les noms des parties de la poterie comparés au corps humain. L’autre explique les multiples réutilisations d’une poterie.

En pénétrant dans le patio de los Naranjos, on aperçoit sur la gauche une salle avec une alcôve à l’une des extrémités, dont les murs comportent quelques restes d’arcs avec voussoirs décorés d’arabesques qui ont été découverts lors de fouilles de cette partie, mais qui ne font pas partie de la structure. Le plafond très décoré est le fruit des restaurations entreprises dans les années quarante, comme tout le palais nasride. L’Unité 3 est exposée dans cette pièce sur des panneaux et présente la configuration d’un atelier de poterie musulman et l’emplacement de certains des nombreux potiers qu’il y avait dans la ville. Les fouilles archéologiques ont permis de confirmer la continuité de l’activité de poterie au même endroit pendant une vaste période de l’histoire, notamment dans la zone dénommée Ollerías (ateliers de poterie de fabrication de casseroles et de vases), où le toponyme a été maintenu.

Étant donné que la poterie était considérée comme quelque chose de « nocif et de dangereux », les potiers réalisaient leurs activités à l’extérieur des murs de la Médina et le quartier des potiers s’est développé autour de l’endroit où ils étaient installés, notamment dans la zone d’El Ejido où il y a beaucoup d’argile. C’est là que se sont installés la plupart des « ollerías » ou ateliers de poterie musulmans, dans la rue qui porte encore ce nom et on a découvert aux alentours de nombreux fours allant du IXe au XIVe siècle, lesquels ont ensuite servi de base aux fours chrétiens.

En arrivant dans la deuxième cour du palais, le patio de la Alberca (piscine) ou de l’Arrayán (myrte), on découvre une grande salle ouverte sur la façade nord qui abrite l’Unité 4 consacrée au processus technique de la fabrication d’un objet en céramique. Tout d’abord, une vitrine et un panneau expliquent aux visiteurs, à travers des dessins et des objets authentiques qui soulignent les différences, que l’on peut obtenir ces objets grâce à la modélisation, au tournage et au façonnage. En face, une autre salle presque fermée par un mur originel fait avec de grandes dalles en pierre abrite la reconstitution d’un four en fonctionnement et, à l’entrée de la salle, il y a un panneau avec des photos des fouilles de fours de la ville, les différentes parties des fours et leur mode de fonctionnement. On estime que la durée de vie moyenne d’un four était de 60 ans et il était indispensable pour obtenir un bon rendement de l’atelier de poterie de pouvoir utiliser toute la capacité du four à plein régime étant donné que la cuisson était ce qui coutait le plus cher.

En poursuivant la visite, dans les salles du fond allongé du patio qui constituent la limite avec la maison reconstruite et utilisée comme atelier de restauration, on découvre comment étaient finies et décorées les poteries. En fait, cela dépendait de la finalité de l’objet, mais même les objets les plus simples et modestes faits pour être utilisés tous les jours étaient beaux et bien décorés. Les panneaux explicatifs et les objets authentiques restaurés permettent de découvrir et de comprendre les techniques de décoration utilisées. Dans les cas les plus simples, la finition de l’objet pouvait être une peinture extérieure, l’impression de timbre sur l’argile encore fraiche, la sculpture de l’argile encore fraiche ou une simple couche de verre destinée à imperméabiliser l’objet ou à ajouter une touche brillante. Quant aux objets de luxe, les potiers de Malaga ont démontré une véritable maitrise de l’art et les fouilles de l’alcazaba ont mis à jour une très grande collection de poteries datant de la période comprise entre le XIe et XVe siècles, telles que de magnifiques porteries vertes et manganèse, en corde sèche, et en faïence de couleur or, des pièces célèbres dans le monde entier, comme le plat connu sous le nom de Ataifor de la Nave représenté ici sous forme de reproduction archéologique et d’interprétation moderne. Cette collection est complétée par un autre panneau consacré aux motifs décoratifs peu nombreux, mais utilisés dans de très nombreuses combinaisons.

Une fois que l’objet en céramique était terminé, il fallait le commercialiser. L’Unité 5 recrée un souk que l’on peut visiter dans la salle du fond, une salle très fermée avec des murs d’origine arabe très intéressants sur lesquels on peut apprécier deux types d’appareillages, dans l’angle à base de grands moellons, caractéristique de taïfa, et à côté la maçonnerie nasride. Avant d’accéder à la salle dans laquelle le souk a été recréé, un panneau explique les différents types de commercialisation qui existaient et les différences entre un souk, une halle aux grains et une place de marché de la soie, et le zèle dont faisait preuve le fonctionnaire du gouvernement du souk, le zabazoque, qui avait des compétences économiques et policières, face à tout type de fraude qui pouvait avoir lieu dans la fabrication des objets en céramique, le tout illustré par la reproduction de deux articles du document intitulé Libro del Buen Gobierno del Zoco, de Ibn al Saqati et du XIIIe siècle. Les objets exposés dans le souk qui est recréé sont des pièces contemporaines inspirées des formes authentiques de poteries communes découvertes dans l’alcazaba.

Visitons maintenant le pavillon sud du patio de l’Alberca, couvert par un toit en bois provenant des pavillons militaires qui étaient situés dans la partie basse à l’époque moderne. La salle abrite l’Unité 6 qui présente un aperçu des nombreuses situations dans lesquelles les poteries étaient utilisées dans la vie quotidienne. On peut observer au sol un fragment de revêtement authentique nasride découvert dans l’alcazaba, de petits morceaux bicolores, et sur le mur, un autre fragment d’un magnifique dallage trouvé lors des fouilles de la ville. Les différentes utilisations des poteries, domestiques et industrielles, sont exposées dans deux vitrines.

Il convient de souligner, parmi les usages domestiques, le système de décantation de l’eau au moyen de repose-jarres et les grands plats creux arabes, et pour les usages industriels, l’un des plus beaux objets exposés, la margelle de puits estampillée almohade du XIIe siècle. Cette margelle est la partie visible du puits, l’émergence du puits qui était généralement creusé dans les patios de la maison, c’est-à-dire un endroit très important pour la vie domestique, raison pour laquelle il est fréquent que ces margelles soient joliment décorées. La décoration de cet objet est abondante, et comprend également une phrase en langue coufique (« la santé complète » répétée de nombreuses fois). Cette margelle provient également de fouilles de la ville et a été rénovée dans l’atelier de restauration de l’alcazaba. Il y a également d’autres objets curieux tels que la sépulture des oreilles, les zelliges pour former les tuiles, les bardeaux, les canalisations d’eau potable et des égouts, les « olambrillas » (petits carreaux en céramique) de revêtements de sols, etc.

La salle offre une vue magnifique sur le patio et sur la piscine. Les piscines intérieures des bâtiments hispano-musulmans avaient une fonction de miroir pour refléter l’architecture et, ici, on a même le reflet de la tour qui se trouve à l’extrémité de la salle nord. Les petits jets des petites fontaines circulaires en marbre situées sur les côtés de la piscine servaient à créer un bruit léger et une seule vague quand l’eau coulait sur la surface d’eau immobile de la piscine. Tout cela invite à la tranquillité et à la méditation.

Dans la salle qui mène au patio adjacent, on peut observer l’un des plus grands conteneurs. L’expertise des potiers leur permit de fabriquer et de cuire de grands objets ornementaux, comme les célèbres jarres de l’Alhambra, en terre cuite dorée, mais également des objets utiles comme les magasins pour stocker le blé, les vêtements, l’huile, les conserves, les fruits à coque, etc., ainsi que les buses utilisées pour les puits. Ces grandes pièces étaient placées dans les celliers semi-enterrés, qui protégeaient les produits de l’humidité, de la chaleur, des animaux, etc., comme cela se faisait dans les fermes andalouses jusqu’à il y a quelques années encore. L’un des plus grands objets est exposé dans l’entrée du monument où se trouve l’ascenseur, rue Guillén Sotelo, étant donné qu’il était impossible de le monter dans la salle en raison de sa taille.

De retour dans le Patio de los Naranjos, cette fois du côté sud, nous abandonnons la salle que nous allons décrire pour visiter la dernière exposition, l’Unité 7, intitulée Survivances. À travers des objets contemporains, cette exposition montre que nous utilisons quotidiennement ces objets dans nos maisons et qu’ils ont la même forme et la même fonction qu’il y a mille ans, ce qui démontre à quel point les racines de la poterie arabe sont ancrées dans notre culture. Il s’agit d’une sélection d’objets qui ne peut être exhaustive de par la grande diversité qui existe, mais dont le but est de servir de rappel, étant donné que de nombreux objets ont aujourd’hui un rôle décoratif uniquement. Dans cet ordre d’idée, citons par exemple la gargoulette et les tirelires.

En sortant du palais, il est possible de visiter un autre endroit dont les portes d’accès se trouvent à côté de la grande salle du palais taïfa. Dans cette salle, située au sud du Patio de los Naranjos, qui sert de passage et d’entrée du monument pour les personnes qui utilisent l’ascenseur qui arrive rue Guillén Sotelo, se trouvent des panneaux explicatifs avec de nombreuses photographies et des plans, dont l’objectif est de comparer le monument formé par l’alcazaba et le château de Gibralfaro avec les citadelles de la même époque, telles que l’alcazaba de l’Alhambra de Grenade et l’alcazaba d’Alméria.

[1] Les informations contenues dans ce document sont extraites du livre de Fanny de Carranza Sell, Alcazaba de Málaga, collection Domus Aurea, éditions Esirtu, Malaga, 2010.